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Évaluation et Feedback
đŸ‘đŸŒ Comment donner des feedbacks pĂ©dagogiques ?
đŸ‘đŸŒ Comment donner des feedbacks pĂ©dagogiques ?
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Écrit par Sarah Elyafi
Mis à jour il y a plus d’une semaine

Il convient d’abord de prĂ©ciser ce que l’on entend par retour correctif, ou feedback pĂ©dagogique. L’objectif principal d’un retour de ce type n’est pas d’évaluer la personne ni mĂȘme son comportement, mais bien de provoquer un changement de sorte Ă  orienter ce comportement dans le sens dĂ©sirĂ©.

L’information la plus importante que vous puissiez recevoir prend souvent la forme d’un feedback de ce type. Pour le dĂ©montrer, imaginons un nouvel univers : l’univers de tous les apprentissages possibles. Cet univers contient l’ensemble des informations que vous seriez susceptible d’apprendre dans votre vie, chacune reprĂ©sentĂ©s par un point dans l’espace.

Les points bleus reprĂ©sentent les informations utiles pour tous ; les points rouges des informations inutiles ; les points verts les informations utiles spĂ©cifiquement pour moi ; les points jaunes les informations spĂ©cifiquement utiles pour quelqu’un d’autre.

Les informations “bleues”, utiles Ă  tous, sont gĂ©nĂ©ralement des informations assez gĂ©nĂ©rales (“lavez vous les mains plus de 20 secondes”), mais cela ne reprĂ©sente qu’une part infime des apprentissages possibles.

Les informations rĂ©ellement utiles pour moi, et que je reçois pourtant rarement, correspondent Ă  toutes les confusions, erreurs d’interprĂ©tation, ou mauvais comportement que je pourrais avoir mĂȘme une fois que j’ai pris connaissance de l’information gĂ©nĂ©rale Ă  laquelle tout le monde a accĂšs. Par exemple, je pourrais savoir qu’il faut se laver les mains plus de 20 secondes, mais ne pas me laver le dos des mains : j’ai donc besoin de savoir que dans ces 20 secondes, il faut aussi que je me lave le dos des mains.

Une information utile spĂ©cifiquement pour moi aura tendance Ă  apparaĂźtre sous la forme d’un feedback. Le feedback est - presque par dĂ©finition - l’information que vous, en particulier, avez besoin de recevoir, puisque cette information est reçue en rĂ©ponse Ă  une rĂ©flexion que vous avez eue, Ă  une dĂ©cision que vous avez prise

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Comment donner un feedback pédagogique efficace ? Quelques recommandations simples font consensus :

  • Tout d’abord, les retours doivent porter sur le comportement et non sur la personne. D’une part, les retours Ă  nature personnelle nuisent au dĂ©veloppement d’une culture d’apprentissage. Dire “tu n’es pas trĂšs forte en rythme”, Ă  une apprentie musicienne, c’est l’enfermer dans une mentalitĂ© fixe qui la dissuade de chercher Ă  progresser. D’autre part, un retour formulĂ© de maniĂšre personnelle (« tu ne fais jamais attention aux cĂąbles ») risque d’activer l’amygdale, zone de rĂ©gulation des Ă©motions et de prĂ©servation du soi. Le systĂšme d’alerte de l’amygdale, une fois activĂ©, tend Ă  provoquer des rĂ©ponses de type combat-fuite (fight, flight, or freeze) utiles pour survivre Ă  un prĂ©dateur, mais catastrophiques pour l’apprentissage. Au lieu de chercher Ă  progresser, l’apprenant prĂ©fĂšrera vous remettre en question, trouver des excuses, ou tout simplement baisser les bras.
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    En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, l’essentiel de l’information que vous voulez transmettre via votre feedback se situe aprĂšs le mot « tu ». Or, vous pouvez partir du principe que tout ce que vous dites aprĂšs ce « tu », pour peu que l’apprenant y perçoive un danger, va ĂȘtre ignorĂ© par l’apprenant. Dans « tu ne fais jamais attention aux cĂąbles », vous voulez que l’apprenant entendre « cĂąbles », et non « tu » : la meilleure maniĂšre d’y parvenir est de retirer le mot « tu » de votre phrase.

  • Un retour correctif efficace est aussi un retour rĂ©gulier. Dans l’idĂ©al, c’est au moment de peser le beurre et la farine, et non au moment de goĂ»ter votre gĂąteau, que vous devriez vous rendre compte s’il y a un problĂšme. Le rĂ©sultat de l’action, tout comme l’examen ou l’évaluation de fin d’annĂ©e, ne fournissent pas un feedback pertinent pour l’apprentissage, car ils interviennent trop tard.

  • Un retour correctif efficace est un retour prĂ©cis. Les termes vagues (« insuffisant », « trĂšs bien » , « peut mieux faire ») n’indiquent pas Ă  l’apprenant l’endroit oĂč celui-ci s’est trompĂ©, mĂȘme s’ils sont formulĂ©s de maniĂšre motivante. Par exemple, si je dis Ă  l’apprenant, « essaye de faire mieux que ça », celui-ci ne sait pas ce que j’entends par « mieux ».
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  • Un retour correctif efficace est un retour explicatif. On pourrait penser que le simple fait de savoir lorsque nous avons vrai ou faux suffit Ă  nous faire progresser. En rĂ©alitĂ©, l’effet produit est faible en l’absence d’explications claires fournissant les raisons derriĂšre chaque rĂ©ponse.
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    PrĂ©senter les consĂ©quences du choix ou de l’action entreprise est une maniĂšre efficace de rendre votre feedback plus explicatif. PlutĂŽt que de dire, « Cet argument ne marche pas, il arrive trop tĂŽt dans la discussion », vous pouvez par exemple dire : « Si cet argument est amenĂ© si tĂŽt dans la discussion, Mehdi ne comprendra pas oĂč vous voulez en venir. »
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    Vous pouvez Ă©galement amener votre apprenant Ă  s’interroger via une question rĂ©flexive avant de leur fournir l’explication dĂ©taillĂ©e : « cet argument n’implique pas votre interlocuteur dans la prise de dĂ©cision. Sauriez-vous pourquoi ? ». Cela suscite une dynamique d’élaboration dans laquelle l’apprenant construit par lui-mĂȘme son apprentissage.
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  • Un retour correctif efficace est un retour constructif. Quelles actions concrĂštes l’apprenant doit-il mener pour s’amĂ©liorer ?
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  • Que ce soit du point de vue de la motivation ou de la comprĂ©hension, il est prĂ©fĂ©rable de montrer Ă  un apprenant sa progression dans le temps plutĂŽt que de le situer par rapport aux autres. Mieux vaut dire « vous avez amĂ©liorĂ© votre communication avec le reste de l'Ă©quipe » plutĂŽt que « vous ĂȘtes plus productif que 80% de vos collĂšgues ».

  • Evitez de donner des objectifs de performance (« la prochaine fois, essaye de lancer 2 fois plus loin »), qui risquent de dĂ©courager l’apprenant.
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  • Il est prĂ©fĂ©rable de laisser l’apprenant essayer par lui-mĂȘme avant de lui fournir un retour. La prochaine fois que votre ami dĂ©butant joue une mauvaise main Ă  votre jeu de cartes, laissez-le faire avant de le corriger !
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  • Pour aider vos apprenants Ă  persĂ©vĂ©rer, vous pouvez leur rappeler les efforts qu’ils ont dĂ©jĂ  fournis.
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  • A noter que le feedback ne doit pas nĂ©cessairement venir du professeur / formateur / pĂ©dagogue. Vous pouvez Ă©galement encourager l’apprenant Ă  s’auto-Ă©valuer. Vous dĂ©veloppez ainsi leur mĂ©tacognition.
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  • Pour autant, il est prĂ©fĂ©rable qu’au moins une des personnes qui fournisse le feedback soit experte - et encore mieux, experte pĂ©dagogue. Par exemple, si vous organisez un cours de danse Ă  2, vous pouvez tout Ă  fait encourager les partenaires Ă  se faire mutuellement des feedbacks, Ă  condition que vous puissiez rattraper la situation s’ils Ă©changent des conseils erronĂ©s ou font des remarques blessantes. Les feedbacks d’un expert pĂ©dagogue seront gĂ©nĂ©ralement plus informatifs, car ils auront plus de chance d’ĂȘtre Ă  la fois prĂ©cis, justes, et formulĂ©s avec bienveillance.
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Un rapport Ă  l’erreur dĂ©complexĂ© est la condition sine qua non de l’efficacitĂ© du retour correctif : il faut voir l’erreur avant tout comme un moyen de se corriger, d'affiner sa comprĂ©hension d'un concept, un geste ou un comportement. Sans feedback l’erreur persiste ; sans occasion de commettre des erreurs, impossible d’obtenir un feedback. N’hĂ©sitez pas Ă  rĂ©server quelques minutes pour faire rĂ©flĂ©chir vos apprenants explicitement Ă  cette idĂ©e : cela ne peut leur faire que du bien !

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