Une fois le premier encodage rĂ©alisĂ©, vos apprenants doivent maintenant consolider plusieurs fois lâinformation dans leur mĂ©moire, pour ĂȘtre capable de sâen rappeler le moment venu.
đĄ Premier ingrĂ©dient de la consolidation : de la mobilisation active
Le premier ingrĂ©dient Ă prendre en compte est la mĂ©thode utilisĂ©e pour que vos apprenants consolident ce quâils ont appris. Sur ce point, les recherches convergent largement : les mĂ©thodes qui augmentent le plus lâamplitude de la montĂ©e en compĂ©tence, la durĂ©e de leur rĂ©tention et le transfert dâapprentissage, sont les mĂ©thodes dites de âremobilisation activeâ. Par active, on ne dit pas dire actif physiquement en manipulant des objets, mais actifs âcognitivementâ. Les exemples les plus simples sont : essayer de se remĂ©morer de tĂȘte ce que lâon a appris, se tester Ă travers des quiz ou des cas pratiques, reformuler ce que lâon a dit Ă quelquâun dâautre. Nous vous en reparlerons plus en dĂ©tail Ă diffĂ©rents moments du livre, mais sachez dĂ©jĂ que les Ă©tudes Ă ce sujet sont trĂšs nombreuses et ont Ă©tĂ© rĂ©pliquĂ©es dans des contextes trĂšs variĂ©s
Comment expliquer la supĂ©rioritĂ© des mĂ©thodes âactivesâ ? Lorsque nous devons rĂ©pondre Ă une question, il faut que notre cerveau fasse lâeffort dâaller chercher lâinformation pertinente afin dây rĂ©pondre correctement : câest ce quâon appelle lâeffort de rĂ©cupĂ©ration. Ce faisant, notre cerveau consolide les « chemins » menant Ă lâinformation mĂ©morisĂ©e, et multiplie leur nombre. Ainsi, nous sommes plus performant lors du test suivant tout simplement parce quâil est plus facile dâaccĂ©der Ă cette information. Un certain niveau de difficultĂ© est donc bĂ©nĂ©fique : plus les tests pendant la pĂ©riode dâapprentissage sont difficiles, plus lâeffort de rĂ©cupĂ©ration est important, et donc meilleures sont les performances Ă lâexamen final.
Attention cependant ! On pourrait se dire quâil faut mettre les apprenants dans des situations oĂč ils feront beaucoup, beaucoup dâefforts. Câest typiquement le cas des pĂ©dagogies par dĂ©couverte : on se dit que comme lâapprenant doit dĂ©couvrir lui mĂȘme ce quâil va apprendre, il va devoir remobiliser plein dâacquis et que donc il va trĂšs bien consolider les notions en jeu. Or, plusieurs Ă©tudes montrent que ce type de pĂ©dagogie est Ă double tranchant (Kirshner 2005): elle peut ĂȘtre trop exigeante en termes de nombre dâinformations Ă traiter simultanĂ©ment (Ă©laborer une stratĂ©gie de rĂ©solution du problĂšme, surveiller son avancĂ©e, se coordonner Ă©ventuellement avec des pairs⊠tout en se concentrant sur les notions Ă apprendre). Les efforts seront diluĂ©s sur plusieurs informations en mĂȘme temps, et si vos apprenants sont trop novices, cela peut excĂ©der leurs capacitĂ©s de traitement. Ce type de pĂ©dagogie est donc Ă utiliser soit en renforçant fortement le guidage pĂ©dagogique (âĂ cette Ă©tape, vous devez chercher ce qui permet deâŠâ, âok, maintenant que câest fait, vous allezâŠâ), soit en les rĂ©servant Ă vos apprenants les plus experts !
Autre explication de lâeffet positif de la remobilisation active : elle permet dâĂ©viter âlâillusion de maĂźtriseâ. Nous pensons ĂȘtre de trĂšs bons juges en ce qui concerne l'efficacitĂ© de nos apprentissages et notre niveau de maĂźtrise des connaissances. Pourtant, on a tous vĂ©cu la situation suivante : nous Ă©tions persuadĂ©s dâavoir compris une information que lâon a vue au journal tĂ©lĂ©visĂ© de la veille, et au moment de le raconter Ă un ami, on se rend compte⊠quâon nâest finalement pas si sĂ»r de nous ! Câest ce que lâon appelle lâillusion de maĂźtrise, câest Ă dire âcroire savoirâ. Lâillusion de maĂźtrise est lâennemie par excellence de lâapprentissage, car on pense maĂźtriser quelque chose et donc ne pas avoir besoin dâen apprendre davantage (âça je lâai dĂ©jĂ vu,, câest bon⊠plus besoin de le revoir!â)
đŻ DeuxiĂšme ingrĂ©dient de la consolidation : des retours correctifs
Un deuxiĂšme ingrĂ©dient Ă favoriser, qui se conjugue trĂšs bien avec le premier est la quantitĂ© de retours correctifs, ou feedbacks, donnĂ©s Ă lâapprenant. Les meilleurs feedbacks :
expliquent pourquoi câest le juste est juste ou le faux est faux,
sont donnĂ©s trĂšs rĂ©guliĂšrement : Ă diffĂ©rents stades pendant lâaction Ă rĂ©aliser
donnent des pistes de correction,
ne jugent pas lâapprenant mais son apprentissage.
On peut se dire que câest Ă©vident, pourtant, en pratique, les feedbacks ne sont souvent donnĂ©s quâĂ la fin de la mise en pratique, et sont gĂ©nĂ©ralement Ă©valuatifs ; âça, ça marchait bien, en revanche, iciâŠâ. Pire : ayant envie de faire plaisir Ă nos apprenants, nous complimentons leurs capacitĂ©s âBravo, on sent que câest ton truc !â, âTu es super douĂ©e !â...
đĄ TroisiĂšme ingrĂ©dient de la consolidation : un rapport Ă lâerreur dĂ©complexĂ©
Ce qui nous amĂšne au troisiĂšme ingrĂ©dient Ă prendre en compte : le rapport Ă lâerreur. Selon Carol Dweck, chercheuse en psychologie sociale, il existerait deux types d'Ă©tats d'esprits face Ă l'apprentissage et Ă notre rapport au dĂ©veloppement personnel : la mentalitĂ© fixe et la mentalitĂ© de croissance.
Lorsque l'on croit que les compétences et les qualités sont des aspects figés de notre personnalité, on a tendance à vivre les erreurs et les échecs comme des signes de nos faiblesses et on évitera les situations qui peuvent les produire, comme les nouveautés et défis, qui pourtant nous permettent d'apprendre. On sera plus facilement amené à se reposer sur nos lauriers ou à abandonner en cas de difficulté.
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A lâinverse, lorsque l'on croit que les compĂ©tences et les qualitĂ©s sont des aspects dynamiques, qui peuvent ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s, acquis ou modifiĂ©s, nous avons tendance Ă voir lâerreur moins comme une faiblesse que comme un moyen de progresser. On sera plus entreprenant et plus rĂ©silient Ă l'Ă©chec, donc plus persĂ©vĂ©rant.
Dans une expĂ©rience menĂ©e avec des Ă©lĂšves, des casse-tĂȘtes sont apportĂ©s par deux personnes diffĂ©rentes (Tom et Bill). Mais les casse-tĂȘtes donnĂ©s par Bill sont impossibles Ă rĂ©soudre. Puis, aprĂšs les avoir laissĂ© essayer, on fĂ©licite la moitiĂ© des Ă©lĂšves pour leur intelligence (qu'ils aient rĂ©ussi ou non) et les autres pour leur effort (qu'ils aient rĂ©ussi ou non). Puis, les deux mĂȘmes personnes donnent Ă nouveau deux casse-tĂȘtes par Ă©lĂšve, nĂ©anmoins, cette fois-ci, les deux peuvent ĂȘtre rĂ©solus.
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Les Ă©lĂšves fĂ©licitĂ©s pour leur intelligence assimilent que l'objectif est de paraĂźtre intelligent et, en toute logique, ne prennent pas de risque en s'attaquant surtout au casse-tĂȘte de Tom. Quand ils abordent celui de Bill et mĂȘme lorsque que ce dernier est en fait facile, l'Ă©chec de la premiĂšre tentative les rend dĂ©faitistes. Vous vous rappelez du point prĂ©cĂ©dent sur les feedbacks ? Vous savez maintenant pourquoi il vaut mieux Ă©viter de complimenter les capacitĂ©s de vos apprenants (le mĂȘme effet a Ă©tĂ© observĂ© avec des adultes). â
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ââđ QuatriĂšme ingrĂ©dient de la consolidation : de la rĂ©pĂ©tition espacĂ©e
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Le dernier ingrĂ©dient Ă prendre en compte est la rĂ©pĂ©tition espacĂ©e de cette phase de consolidation. Ca semble Ă©vident tellement on nous lâa rĂ©pĂ©tĂ© Ă©tant petit : il faut mieux vaut apprendre un petit peu chaque jour, plutĂŽt que tout en une fois !
MĂȘme sâil nous arrive encore, faute de temps, de nous lancer dans un marathon intellectuel Ă lâapproche dâun examen ou dâun Ă©vĂ©nement important, on en constate vite les limites : si lâapprentissage massĂ© (travailler beaucoup et dâun seul coup) va parfois nous permettre dâĂȘtre suffisamment au point le lendemain, gĂ©nĂ©ralement, quelques mois plus tard, il ne nous en reste plus grand chose...
De nombreuses Ă©tudes montrent que, pour quâune trace en mĂ©moire soit renforcĂ©e et consolidĂ©e, la rĂ©partition des sessions dâapprentissage doit sâĂ©taler dans le temps. Ces pĂ©riodes peuvent sâĂ©tendre sur quelques jours pour lâencodage dâinformations simples. En effet, Ă durĂ©e Ă©gale dâapprentissage, on remarque une meilleure mĂ©morisation, comprĂ©hension et transfert des concepts lorsque les sĂ©ances ont Ă©tĂ© espacĂ©es seulement sur 4 courtes sessions par rapport Ă une seule plus longue. Cela marche pour apprendre des listes de vocabulaire, la maĂźtrise de gestes chirurgicaux, la conduite dâentretien dâembauche⊠bref, câest un rĂ©sultat qui a Ă©tĂ© retrouvĂ© quelque soit la nature de lâapprentissage considĂ©rĂ© !
Comment expliquer cet effet ? La consolidation fait appel Ă des mĂ©canismes biochimiques et molĂ©culaires qui prennent du temps : plusieurs heures, voire plusieurs jours peuvent ĂȘtre nĂ©cessaires avant dâaboutir Ă la formation dâune trace mĂ©morielle facilement rĂ©-activable lors du rappel. En sâentraĂźnant de maniĂšre espacĂ©e dans le temps, nous facilitons donc la consolidation de l'information dans notre mĂ©moire Ă long terme. En revanche, en sâentraĂźnant de maniĂšre massĂ©e, notre cerveau nâa pas le temps de stabiliser la trace tout juste encodĂ©e : elle sâeffacera donc plus rapidement..
Trop souvent sacrifiĂ©e pour des contraintes pratiques, cette question de lâespacement est pourtant capitale au vu de son impact sur l'acquisition des compĂ©tences. Faute de temps, on laisse lâapprenant se dĂ©brouiller lui mĂȘme, une fois rentrĂ© chez lui⊠ce qui, il faut lâavouer, nâest que trĂšs rarement le cas ! Comment faire alors pour quand mĂȘme faire de la rĂ©pĂ©tition espacĂ©e sans non plus exploser vos durĂ©es de formation ? On le reverra, mais dans ces cas, on peut dĂ©jĂ soit travailler dĂšs son dĂ©coupage pĂ©dagogique pour diminuer la quantitĂ© de choses Ă apprendre et augmenter le nombre de fois oĂč elles seront travaillĂ©es par les apprenant, soit inclure des micro-rappels de ce qui a Ă©tĂ© appris lors de la sĂ©ance prĂ©cĂ©dente⊠le mieux Ă©tant de conjuguer les deux !
Mots clés : apprentissage, consolidation, connaissances, mémoire, recommandations
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